IPourêtre bénie des dieux, j’ai brûlé ce matin des grains de poivreet du benjoin. J‘y avais mêlé un
IPourêtre bénie des dieux, j’ai brûlé ce matin des grains de poivreet du benjoin. J‘y avais mêlé un peu de mon sang, me piquant le bout du doigt de mon épingle à cheveux.J’airegardé une dernière fois la tunique abandonnée au pied du lit,face au miroir. Mue de serpent, elle se dessèche sur le sol ;mais si je la tenais entre mes mains, je pourrais sentir un peu deparfum dans le froissement de la soie. Celui de la fleur d’oranger de ton corps délié, la fleur que tudispersais dans nos bains et nos chevelures, celle qui imprégnait larobe dont tu te drapais, ma tendre amie, les jours de grande fêtecomme hier, où nous allâmes célébrer le Soleil.Aujourd’huimon cœur n’est plus à la joie car ta voix s’est tue, la coucheest vide : toi, mon Inanna, fut arrachée à mes bras.IIL’hommenous avait vues danser avec le cortège au son des clochettes, etnous suivait depuis. Je n’aimais pas le regard avec lequel ilposait ses yeux d’acier bleui sur toi ni la voix fausse aveclaquelle il chantait ; je lui dis d’aller chanter ailleurs, etil obéit.Ilrevint un peu plus tard, sacrilège, indigne du nard etde l’encens. Il voulut saisir une mèche de tes cheveux, et lasurprise te fit crier : il fut le premier à oser forcer tavolonté, et tu te jetas dans mes bras de colère.Ilrevint au couchant, l’arme orgueilleuse, fier comme un lâche. Il tevoulait et te prit non sans mal, car je sortis la griffe et le croc. Je combattais dans la douleur; lacrainte qu’il ne t’enlève portait mon souffle, ma rage et mes coups.Ettoi, ma compagne de toujours, au lieu de te défendre, tu te disaisprête à le suivre si je restais en vie, et tu me supplias de me réjouir désormais sans toi, tant monexistence t’était précieuse.IIIJete pardonne l’injure : la frayeur t’aura fait oublier que neplus t’aimer, c’est mourir. Or je tiens encore à la vie, et jepars donc sur tes traces, te libérer et nous venger.J’airacheté le sabre rouillé de cette veuve qui appelle aux fenêtrespour vendre ses souvenirs. Lorsque nous serons réunies, l’amourreprendra ses droits sur la guerre ; une arme nous porteraitmalheur. Alors, je la jetterai.En peignant mes cheveux, j’imagine le ventre de l’homme s’ouvrirsous la lame, les entrailles se répandre, le sang et l’orduresouiller mes mains et mes pieds. Je tremble. Jamais je n’ai vécu de la mort desautres. Pour nous, je tuerai.Letemps vient, parfois, où une jeune fille doit combattre, et alors ni ses yeux ni son bras ne faiblissent. C’estaujourd’hui mon tour, alors ne me dis plus, je t’en prie, de melaisser faire : ce serait me trahir par ton miel.Sappho guerrière à la façon de Louÿs, avril 2017.~~~Comment donc aimerions-nous l’homme, qui est grossier avec nous ? Il nous saisit comme des filles et nous laisse avant la joie. Toi, tu es femme, tu sais ce que je sens. Tu t’y prends comme pour toi-même. P. Loüys, Les Chansons de BilitisPicture: Charlotte Skurzak. -- source link
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